Plus qu’un simple révélateur du développement et de la maturité d’un peuple, le bénévolat pour l’intérêt général, les causes communes et l’auto prise en charge est avant tout une mentalité, mieux encore, une culture.
Elle est, parfois, peu développée chez nous. D’où la nécessité de traiter des causes de son état et d’imaginer les solutions idoines pour pallier les carences.
Cette culture vient, en effet, rompre avec la mentalité archaïque basée sur le seul instinct grégaire qui se manifeste à travers le tribalisme, le régionalisme, le corporatisme… donc, à travers l’égocentrisme, l’exclusion de l’autre, le fanatisme avec tout ce qui s’ensuit comme violence.
Ce bénévolat peut être spontané, improvisé, informel, ponctuel, comme il peut être organisé, planifié, orienté, etc. C’est de ce dernier type que nous parlerons. Du bénévolat au sein des associations en Tunisie.
Qu’elles soient locales, régionales ou nationales, dites d’intérêt général ou s’intéressant à un thème ou à une activité bien particulière, les associations dans leur conception moderne sont, en Tunisie, une réalité depuis plus qu’un siècle et quart. C’est entre autre grâce à elles que la société tunisienne a pu sauvegarder son intégrité sous l’Occupation et pendant les trois quarts de siècle que celle-ci a duré.
Aujourd’hui elles continuent de jouer le rôle de ciment de la société et leur place ne cesse d’évoluer en quantité et en qualité.
A comparer avec des pays comme la France ou les Etats-Unis, le nombre d’associations reste faible en Tunisie, même si celui-ci a triplé au cours de ces deux dernières décennies pour frôler les dix mille. Soit une association pour mille habitants. Moyenne qui est en deçà du 1 pour 250 aux USA. Quoique la quantité n’ait jamais été un critère décisif, même s’il révèle le degré d’engagement de la société pour son auto prise en charge.
Apolitique par essence, les associations se doivent de le rester. Cela ne veut nullement dire que leurs membres doivent s’abstenir de toute activité politique. Ceux-ci doivent plutôt faire la part des choses et oublier leur appartenance politique en militant au sein de l’association. Même si, dans les plus vieilles et les plus démocratie, l’influence des parties politiques sur les associations est un fait accepté par tous, à condition d’éviter les excès et en veillant à une plus grande souplesse des idées et des positions au sein des associations satellites.
Bref, faire de la politique au sein des partis et du travail associatif dans les associations. La migration vers l’un ou l’autre des deux univers n est pas à exclure ni à blâmer. A condition bien sûr qu’elle constitue une évolution naturelle et non une action planifiée de façon à ce que l’action associative soit un tremplin pour une carrière politique.
Et même si la vie associative répond aussi à des besoins strictement personnels et légitimes tel que le besoin d’appartenance, de reconnaissance, d’estime de soi ou de réalisation de soi, elle doit rester avant tout un levier pour la société et non la personne qui y adhère.
Hélas, certains de ces pseudo engagés pour la société et l’intérêt général ne voient dans leur action que les intérêts personnels à récolter. Réseau de connaissances, notoriété, soif de pouvoir, prestige, voyages, et, pourquoi pas, certains intérêts d’ordre financier, sans oublier le népotisme.
C’est d’ailleurs pour cela que dès qu’une association commence à enregistrer certains succès, des luttes intestines éclatent. Chacun veut alors la plus grande part du gâteau, alors qu’auparavant, chacun a brillé par son absence.
Il est d’ailleurs fréquent d’entendre l’entourage de vrais militants associatifs leur dire : «Qu’avez-vous gagné de tout ces efforts et de tout ce temps dépensés ? ». Traduire : combien et qu’est ce que vous avez gagné en nature et en espèces. Car pour certains au sein de la société, tout effort doit aboutir à quelque chose de concret pour la personne qui fournit cet effort.
Le gain collectif, en terme qualitatif pour, par exemple, résoudre certains problèmes, aider les autres et améliorer les conditions de vie en général, n’est toujours pas évident pour cette catégorie repliée sur ses intérêts immédiats et directs.
C’est d’ailleurs pour cette raison que certaines associations souffrent du problème de la faiblesse de l’effectif, et surtout du manque des moyens. La vie étant devenue, il est vrai, dure aussi bien pour le simple citoyen (temps et argent) que pour les entreprises et institutions censées soutenir financièrement les associations.
A tout cela, il faudrait ajouter le manque de compétences dans la gestion des associations. Toutes les associations n’organisent pas des assemblées générales dans les normes, ne conduisent pas des réunions efficaces, ne planifient pas leurs actions, ne coopèrent pas et ne savent pas ficeler un projet avec les médias, etc. Bref, qu’elles décident de quitter l’amateurisme et les tâtonnements pour un esprit managérial, une pensée stratégique et des pratiques de bonne gouvernance.
Foued ALLANI, publié au Journal « La Presse de Tunisie » le Dimanche 13/04/2008.